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Lundi, Mars 14 2011 17: 39

Conditions de travail et sécurité dans les travaux forestiers

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La sécurité dans le secteur forestier dépend de l'adéquation des capacités de travail des individus aux conditions dans lesquelles ils exécutent leurs tâches. Plus les exigences mentales et physiques du travail se rapprochent des capacités des travailleurs (qui, à leur tour, varient avec l'âge, l'expérience et l'état de santé), moins il est probable que la sécurité soit sacrifiée pour tenter de satisfaire les objectifs de production. Lorsque les capacités individuelles et les conditions de travail sont en équilibre précaire, la diminution de la sécurité individuelle et collective est inévitable.

Comme l'illustre la figure 1, il existe trois sources de risques pour la sécurité liés aux conditions de travail : l'environnement physique (climat, éclairage, terrain, types d'arbres), des lois et normes de sécurité déficientes (contenu ou application inadéquats) et une organisation du travail inappropriée (aspects techniques et Humain).

Figure 1. Déterminants des risques pour la sécurité dans les travaux forestiers.

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L'organisation technique et humaine du travail englobe des facteurs potentiellement dangereux à la fois distincts et étroitement liés : distincts, car ils renvoient à deux ressources intrinsèquement différentes (c'est-à-dire l'homme et la machine) ; liés, parce qu'ils interagissent et se complètent lors de l'exécution des activités de travail, et parce que leur interaction permet d'atteindre les objectifs de production en toute sécurité.

Cet article détaille comment des failles dans les composantes de l'organisation du travail listées dans la figure 1 peuvent compromettre la sécurité. Il convient de noter que les mesures de protection de la sécurité et de la santé ne peuvent pas être rétroadaptées à une méthode de travail, une machine ou une organisation existante. Ils doivent faire partie de la conception et de la planification.

Organisation technique du travail

Le terme organisation technique du travail fait référence aux considérations opérationnelles des travaux forestiers, y compris le type de coupe, le choix de la machinerie et de l'équipement de production, la conception de l'équipement, les pratiques d'entretien, la taille et la composition de l'équipe ou des équipes de travail et le temps alloué dans le calendrier de production.

Type de coupe

Il existe deux principaux types de coupe utilisés dans les opérations forestières, qui se distinguent par la technologie utilisée pour abattre et ébrancher les arbres : la coupe conventionnelle, qui repose sur des scies mécaniques, et la coupe mécanique, qui repose sur des machines pilotées à partir de cabines de contrôle et équipées de flèches articulées. Dans les deux cas, les débardeurs, en particulier ceux à chaîne ou à griffes, sont les moyens habituels de transport des arbres abattus le long de la route ou des cours d'eau. La coupe conventionnelle est la plus répandue et la plus dangereuse des deux.

La mécanisation de la découpe est connue pour réduire considérablement la fréquence des accidents. Ceci est particulièrement visible pour les accidents survenus pendant les opérations de production et est dû au remplacement des scies mécaniques par des machines télécommandées qui isolent les opérateurs des dangers. Dans le même temps, cependant, la mécanisation semble augmenter le risque d'accidents lors de l'entretien et de la réparation des machines. Cet effet est dû à la fois à des facteurs technologiques et humains. Les facteurs technologiques comprennent les déficiences des machines (voir ci-dessous) et les conditions souvent improvisées, voire franchement dérisoires, dans lesquelles les opérations de maintenance et de réparation sont effectuées. Les facteurs humains comprennent l'existence de primes de production, qui se traduisent souvent par une faible priorité accordée aux opérations d'entretien et de réparation et la tendance à les exécuter dans la précipitation.

Conception de la machine

Il n'y a pas de codes de conception pour les machines forestières et les manuels d'entretien complets sont rares. Les machines telles que les abatteuses, les ébrancheuses et les débusqueuses sont souvent un mélange de composants disparates (par exemple, flèches, cabines, machines de base), dont certaines sont conçues pour être utilisées dans d'autres secteurs. Pour ces raisons, la machinerie utilisée dans les opérations forestières peut être mal adaptée à certaines conditions environnementales, notamment celles liées à l'état de la forêt et du terrain, et au fonctionnement continu. Enfin, la réparation des machines est souvent nécessaire mais très difficile à réaliser.

Entretien des machines et équipements

Les pratiques d'entretien en forêt sont généralement correctives plutôt que préventives. Diverses conditions de travail, telles que les pressions de production, l'absence de directives et de calendriers d'entretien stricts, le manque de sites d'entretien et de réparation appropriés (garages, abris), les conditions difficiles dans lesquelles ces opérations sont effectuées et le manque d'outils adéquats, peuvent expliquer cette situation. De plus, des contraintes financières peuvent opérer sur des opérations unipersonnelles ou sur des sites exploités par des sous-traitants.

Organisation du travail humain

Le terme organisation du travail humain désigne la manière dont les efforts humains collectifs ou individuels sont administrés et organisés, ainsi que les politiques de formation destinées à satisfaire les impératifs de la production.

Supervision

L'encadrement des travaux forestiers n'est pas facile, en raison de la délocalisation constante des chantiers et de la dispersion géographique des travailleurs sur plusieurs chantiers. La production est contrôlée par des stratégies indirectes, dont les primes à la production et le maintien d'un statut d'emploi précaire sont probablement les plus insidieuses. Ce type d'organisation du travail ne favorise pas une bonne gestion de la sécurité, car il est plus facile de transmettre des informations concernant les consignes et règlements de sécurité que de s'assurer de leur application et d'évaluer leur valeur pratique et leur compréhension. Les gestionnaires et les superviseurs doivent être clairs sur le fait qu'ils ont la responsabilité principale de la sécurité. Comme on peut le voir sur la figure 2 le travailleur contrôle très peu d'éléments qui déterminent la performance en matière de sécurité.

Figure 2. Les facteurs humains ont un impact sur la sécurité des travaux forestiers.

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Type de contrat

Quel que soit le type de coupure, les contrats de travail sont presque toujours négociés individuellement, et sont souvent à durée déterminée ou saisonnière. Cette situation de travail précaire est susceptible de conduire à une faible priorité accordée à la sécurité des personnes, car il est difficile de promouvoir la sécurité au travail en l'absence de garanties minimales d'emploi. Concrètement, les abatteurs ou les opérateurs peuvent avoir des difficultés à travailler en toute sécurité si cela compromet les objectifs de production dont dépend leur emploi. Des contrats à plus long terme de volumes minimaux garantis par an stabilisent la main-d'œuvre et augmentent la sécurité.

Sous-traitant

La sous-traitance de la responsabilité (et des coûts) de certaines activités de production à des propriétaires-exploitants est de plus en plus répandue dans le secteur forestier, en raison de la mécanisation et de son corollaire, la spécialisation du travail (c'est-à-dire l'utilisation d'une machine spécifique pour des tâches telles que l'abattage, l'élagage, abattage-élagage et débardage).

La sous-traitance peut affecter la sécurité de plusieurs manières. En premier lieu, il faut reconnaître que la sous-traitance ne réduit pas les risques en tant que tels, mais les transfère simplement de l'entrepreneur au sous-traitant. Deuxièmement, la sous-traitance peut aussi exacerber certains aléas, puisqu'elle stimule la production plutôt que les comportements sécuritaires. Il a en effet été observé que les sous-traitants négligent certaines précautions de sécurité, notamment celles liées à la maintenance préventive, à la formation des nouveaux embauchés, à la fourniture d'équipements de protection individuelle (EPI) et à la promotion de leur utilisation, ainsi qu'au respect des règles de sécurité. Enfin, la responsabilité du maintien et de la gestion de la sécurité sur les chantiers où la sous-traitance est pratiquée est une zone grise juridique. Il peut même être difficile de déterminer la responsabilité de la déclaration d'accidents liés au travail. Les contrats de travail doivent rendre obligatoire le respect des règles de sécurité, prévoir des sanctions en cas d'infractions et attribuer la responsabilité de la supervision.

Division du travail

La division du travail sur les chantiers forestiers est souvent rigide et encourage la spécialisation plutôt que la flexibilité. La rotation des tâches est possible avec la coupe conventionnelle, mais dépend fondamentalement de la dynamique d'équipe. La coupe mécanisée, en revanche, encourage la spécialisation, même si la technologie elle-même (c'est-à-dire la spécialisation des machines) n'est pas la seule cause de ce phénomène. La spécialisation est également favorisée par des facteurs organisationnels (un opérateur par machine, travail posté), la dispersion géographique (éloignement des machines et des zones de coupe) et le fait que les opérateurs sont généralement propriétaires de leurs machines.

Les problèmes d'isolement et de communication résultant de cette division du travail peuvent avoir des conséquences graves pour la sécurité, notamment lorsqu'ils entravent la circulation efficace des informations concernant des dangers imminents ou la survenance d'un incident ou d'un accident.

Les capacités de travail des machines et des travailleurs doivent être soigneusement adaptées et les équipes composées en conséquence, afin d'éviter de surcharger les éléments de la chaîne de production. Les horaires de travail peuvent être conçus de manière à maximiser l'utilisation de machines coûteuses tout en laissant suffisamment de repos et de variété de tâches aux opérateurs.

Échelles salariales basées sur la production

Les travailleurs forestiers sont fréquemment payés à la pièce, c'est-à-dire que leur salaire est déterminé par leur production (nombre d'arbres abattus, élagués ou transportés, ou tout autre indice de productivité), et non par sa durée. Par exemple, le taux auquel les propriétaires de machines sont payés pour l'utilisation de leurs machines est proportionnel à leur productivité. Ce type d'échelle salariale, bien qu'il ne contrôle pas directement les travailleurs, est connu pour stimuler la production.

Les échelles salariales basées sur la production peuvent encourager des taux de travail élevés et le recours à des pratiques de travail dangereuses pendant la production et des raccourcis dans les opérations d'entretien et de réparation. De telles pratiques persistent parce qu'elles permettent de gagner du temps, même si elles ignorent les consignes de sécurité établies et les risques encourus. Plus l'incitation à la production est grande, plus la sécurité est compromise. On a observé que les travailleurs payés sur la base de la production subissaient plus d'accidents, ainsi que différents types d'accidents, que les travailleurs rémunérés à l'heure effectuant le même type de travail. Les tarifs à la pièce et les prix des contrats doivent être adéquats pour une exécution sûre et des heures de travail acceptables. (Pour une étude empirique récente en Allemagne, voir Kastenholz 1996.)

Horaires de travail

En forêt, les longs horaires de travail quotidiens et hebdomadaires sont la norme, car les chantiers et les zones de coupe sont éloignés, le travail est saisonnier et les facteurs climatiques et environnementaux souvent difficiles incitent les travailleurs à travailler le plus longtemps possible. Parmi les autres facteurs favorisant l'allongement des horaires de travail figurent les incitations à la production (échelles salariales, sous-traitance) et la possibilité d'utiliser certaines machines en continu (c'est-à-dire sans s'arrêter la nuit).

Les horaires de travail longs entraînent souvent une baisse de vigilance et une perte d'acuité sensorielle, qui peuvent avoir des effets sur la sécurité individuelle et collective. Ces problèmes sont aggravés par la rareté et la brièveté des périodes de repos. Les pauses planifiées et les heures de travail maximales doivent être respectées. La recherche ergonomique démontre que la production peut en fait être augmentée de cette façon.

Formation

Il ne fait aucun doute que le travail forestier est physiquement et mentalement exigeant. Le niveau de compétence requis ne cesse d'augmenter, en raison des avancées technologiques et de la complexité croissante des machines. La formation préalable et sur place des travailleurs forestiers est donc très importante. Les programmes de formation doivent être basés sur des objectifs clairement définis et refléter le travail réel à effectuer. Plus le contenu des programmes de formation correspond aux conditions réelles de travail et plus l'intégration des préoccupations de sécurité et de production est forte, plus les programmes seront utiles, tant individuellement que collectivement. Des programmes de formation efficaces réduisent non seulement les pertes matérielles et les retards de production, mais évitent également les risques supplémentaires pour la sécurité. Pour des conseils sur la formation, voir « Compétences et formation » dans ce chapitre.

Conclusion

La sécurité des travaux forestiers est déterminée par des facteurs liés à l'organisation du travail, et les aspects techniques et humains de l'organisation du travail peuvent perturber l'équilibre entre les objectifs de production et la sécurité. L'influence de chaque facteur individuel sur la sécurité au travail variera bien sûr d'un environnement à l'autre, mais leur effet combiné sera toujours significatif. De plus, leur interaction sera le principal déterminant du degré de prévention possible.

Il convient également de noter que les développements technologiques n'éliminent pas en eux-mêmes tous les risques. Les critères de conception des machines devraient tenir compte de leur fonctionnement, de leur entretien et de leur réparation en toute sécurité. Enfin, il apparaît que certaines pratiques de gestion de plus en plus répandues, notamment la sous-traitance, peuvent exacerber plutôt que réduire les risques pour la sécurité.

 

Noir

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